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La rubrique publication va héberger des écrits, des bibliographies, des notes de lectures, des extraits du groupe de recherche « Périnatalité et famille » ou de la LETTRE PERINAT ( journal interne a la SIPFP), etc…  en référence à l’Approche psychanalytique familiale périnatale.

Voici en introduction, un premier écrit qui a été un argumentaire pour la création de la SIPFP et qui donne des repères sur l’évolution des prises en charge en périnatalité psychique; ce texte a aussi été  exposé notamment à Besançon lors de la réunion d’ouverture de la SIPFP le 22 janvier 2017 : 

 Histoire des prises en charge psychique en périnatalité,  Par Elisabeth Darchis

« Rappelons que les recherches sur la psyché parentale ou sur celle du bébé se sont fortement intensifiées, depuis plusieurs dizaines d’années. De même, l’étude des interactions précoces, ont vu leurs connaissances progresser.

Mais notre objet, ne concerne pas seulement les liens de la dyade ou de la triade : la SIPFP soutient plutôt l’approche relative à un espace psychique qui est écouté sur les bases de la psychanalyse groupale et familiale périnatale.

Si nous reprenons l’histoire des prises en charge psychiques en périnatalité, nous y observons une évolution des pratiques et des modèles théoriques qui en découlent.

À un premier niveau, les praticiens de la périnatalité se sont d’abord penchés sur le sujet singulier, notamment la mère, sur ses souffrances, ses symptômes (ou ses satisfactions comme le comblement narcissique d’être mère). Des précurseurs[1], se sont préoccupés des « dépressions post natales » ou de « la folie maternelle » car dans ce premier espace psychique, on s’intéressait principalement aux troubles puerpéraux maternels, surtout après la naissance du bébé.

Dans les années 1980-1990, cette approche pouvait conduire à l’hospitalisation individuelle de la mère lors de décompensation puerpérale ou de lourde dépression, mais elle était séparée de son bébé (sauf chez quelques précurseurs, comme Racamier).

Si le père décompensait, il se retrouvait de son côté en service de psychiatrie adulte où l’on ne faisait pas forcément de lien avec son statut de jeune père. Les troubles puerpéraux paternels étaient peu explorés, même si quelques recherches commençaient à exister[2]. Le couple traversait la crise périnatale sans être écouté lors de troubles conjugaux et le risque était l’éclatement de la famille qui ne pouvait naître. Du coté du bébé, les symptômes étaient détectés plus tard chez l’enfant et sa prise en charge tardive, souvent après 3 ans, se déroulait en individuel sur de nombreuses années, avant que ne lui succède le suivi d’un benjamin. Mais progressivement on a reconnu des compétences au nouveau-né[3], ce qui va permettre la recherche des enjeux que représente la toute petite enfance dans la construction d’un individu.

À un deuxième niveau, ce sont les liens précoces qui ont attiré l’attention des professionnels de la périnatalité[4]. Ils ont enrichit les soins psychiques périnataux et mis en place des thérapies conjointes mère-bébé, encore opérantes aujourd’hui pour la prévention. Dans ces modèles théoriques la prise en charge accompagne l’espace psychique intermédiaire qui lie les sujets entre eux.

Le praticien écoute la subjectivité des liens établis à partir d’intérêts mutuels, d’accords et d’alliances conscientes et inconscientes permettant accordage, nouage, mais aussi écart et conflit. Ces dispositifs, qui peuvent se référer aux travaux de Winnicott, de Bion ou à la théorie de l’attachement ou encore à la psychanalyse subjective, prennent en compte essentiellement en postnatal, les interactions pathogènes de la dyade, voire de la triade. L’essentiel à soigner est plutôt le bébé souffrant dans ses liens et la dyade souffrante peut être hospitalisée dans des unités mère-bébé (Seize UHMB ont été créées en France depuis les années 90).

Dans cet accompagnement, le bébé est envisagé au regard des relations avec ses deux parents et la paternité est progressivement prise en compte dans cette approche. Mais le père est souvent considéré dans sa place ressource et de tiers autour de la naissance. Il est sollicité pour participer aux soins de l’enfant, dans la mesure du possible. S’il est incompétent, fragilisé, déprimé ou non impliqué, il est alors écarté des entretiens familiaux, isolé, voire hospitalisé de son côté ou oublié dans le lien mère/enfant.

Les praticiens du psychisme proposent à ce niveau de véritables thérapies conjointes parents-bébé, mais ces consultations familiales ou entretiens familiaux thérapeutiques, ne sont pas réellement des thérapies familiales psychanalytiques ou des psychanalyses du groupe famille. Le sujet-famille n’est pas forcément traité en son entier avec l’origine des souffrances anciennes, même si les alliances ou les pactes commencent à être pris en compte.

Cette approche de la subjectivité des liens peu également être à l’écoute des aspects générationnels qui donnent du sens à la construction du sujet et de ses attaches, mais pas de l’organisations pathologique groupale. Elle ne s’appuie pas véritablement sur l’écoute familiale psychanalytique, avec la groupalité intergénérationnelle qui transforme l’héritage psychique pour organiser la nouvelle famille.

À un troisième niveau, depuis les années 1990 puis surtout 2000, 2010, de nouvelles pratiques se mettent en place en périnatalité. Cette nouvelle approche concerne, non pas seulement les liens qui unissent les sujets, mais aussi l’unité qu’ils constituent. Ici, le groupe familial est écouté psychanalytiquement dans ses trois espaces psychiques distincts, mais aussi interdépendants et reliés entre eux : celui du sujet singulier, celui des liens intersubjectifs, mais aussi celui de l’ensemble familial qui les tient groupalement dans la succession des générations. Le soin s’adresse à l’entité groupale familiale et générationnelle en accompagnant la crise périnatale nécessaire avec ses phénomènes groupaux générationnels organisateurs et défensifs.

Les théorisations de cette approche psychanalytique groupale de la famille en périnatalité vont chercher leurs origines dans les travaux de Freud sur le groupe et la transmission, dans ceux de Winnicott, Bion, Foulkes, Ferenczi, Balint, Abraham et Torok, Faimberg ou chez des psychanalystes du groupe[5], mais surtout, chez des psychanalystes de la famille, en général membres de sociétés psychanalytiques familiales[6], qui théorisent sur la psychanalyse familiale dès les années 1980.

Cette approche psychanalytique familiale commence à affirmer son insertion dans des recherches et des pratiques spécifiques en périnatalité avec des cliniciens psychanalystes, tout particulièrement spécialistes en psychanalyse familiale périnatale et également, souvent membres de sociétés psychanalytiques familiales[7], avec, par exemple en France, Carel, Mellier, Darchis, Benghozi, Maffre, Lemaitre, Rosenblum, Barraco.

Le dispositif de la thérapie familiale psychanalytique périnatale (TFPP) accompagne le nécessaire réaménagement de l’héritage familial et démarre en amont de la naissance d’un bébé. Cette cure est à l’écoute des souffrances générationnelle du groupe famille en son entier. Car si l’« on est tissu avant d’être issu », comme le propose Ruffiot (1981), cette pratique travaille effectivement sur le terreau familial d’origine qui organise la nouvelle famille, dès le prénatal, afin que chacun puisse progressivement se réaliser comme groupe individué et sujet relativement autonome. L’approche psychanalytique groupale et familiale en périnatalité donne du sens aux origines des troubles puerpéraux dans la famille. La théorisation permet de comprendre ce qui (et ce que) provoque dans le couple et la famille,  les troubles de la crise au temps de la grossesse lorsque la famille s’organise défensivement contre le retour de souffrances anciennes ou de traumatismes non élaborés. Ce terreau pathologique est à l’origine par exemple du déni de grossesse (symptôme familial) ou de la psychose puerpérale (décompensation en écho avec un matériel générationnel), de la perversion dans les liens ou de la dépression postnatale.

Cette approche est un outil accompagnant l’ouverture d’un berceau psychique familial favorable à l’organisation psychique de la famille dans la succession des générations et, en conséquence, favorable au développement de la singularité de ses membres, notamment de l’enfant. Reste que cette nouvelle approche, qui opère une grande prévention, est encore peu utilisée sur le terrain. »

 

[1] Comme Jean Etienne Esquirol : Des passions considérées comme causes, symptômes et moyens curatifs de la maladie mentale, Thèse de médecine de Paris n° 574, 1805, ou Marcé Louis Victor : Traité de la folie des femmes enceintes et nouvelles accouchées… », 1858, L’Harmattan.

[2] Cf. Atelier de recherche -années 1990- à la MARCE : « Processus de paternité et pathologies puerpérales » avec Moreau, Sirol, Feunteun, Glangeaud, Darchis.

[3] Cf. Lebovici, 1983, Stoleru et Morales, 1989 Cramer et Palacio, 1993, etc.

[4] Par exemple, Doumic, Bick, Debray, Daws, David, Lebovici, Soulé, Cramer, Stern, Houzel, puis Golse, Guedeney, Missonnier, et bien d’autres comme Amselek, Bayle, Barraco, Bayle, Ben Soussan, Braconnier, Bydlowski, Cahen, Candilis, Cramer, Cupa, Dugnat, Dayan, Delaisi De Parseval, Faure-Fragier, Fivaz, Flies-Treves, Glangeaud, Godard, Lamour, Mazet, Moreau, Morisseau, Palacio, Sirol, Soubieux, Stoleru…

[5] Pontalis, Anzieu, Kaës, Rouchy, etc.

[6] Ruffiot, Decherf, Caillot, Granjon, Eiguer, Tisseron, Aubertel, Fustier, Joubert, Ciccone, Pigott, Robert, Lemaire…

[7] SFTFP (Société Française de Thérapie Familiale psychanalytique), CPGF (Collège de Psychanalyse Groupale et Familiale), PSYFA (Psy et famille), AIPCF (Association internationale pour le couple et la famille), etc.