La lettre PERINAT

En cours de création

Chaque année la SIPFP fait paraitre la LETTRE PERINAT, un bulletin virtuel interne destiné aux membres de la SIPFP à jour de leur cotisation.

Directeurs de la publication : Elisabeth Darchis, Pierre Benghozi 

Comité de rédactionPaola Aburto, Carine Maraquin, Marthe Barraco

Bulletin de la SIPFP Distribué par mails aux membres à jour de leur cotisation

Cette page du site va publier des extraits

SOMMAIRE N°1    Printemps   2017

Editorial par Elisabeth DARCHIS Présidente

Présentation de la SIPFP et organigramme

Histoire des prises en charge en périnatalité, par  Elisabeth Darchis: extrait ci dessous

Anamorphose et périnatalité, par Pierre Benghozi: extrait ci dessous

Le concept du jour,  Premières définitions de la périnatalité psychique, par le Groupe de recherche

Le dortoir, par Florence Baruch

La périnatalité comme une spécificité nécessaire dans la TPFC, par Eduardo Grinspon et collègues. extrait ci dessous

Rubrique publications et notes de lecture

Prochains événements

Liste des membres de la SIPFP

extraits: 

Histoire des prises en charge en périnatalité.  Par  Elisabeth Darchis

« Rappelons que les recherches sur la psyché parentale ou sur celle du bébé se sont fortement intensifiées, depuis plusieurs dizaines d’années. De même, l’étude des interactions précoces, ont vu leurs connaissances progresser. Mais notre objet, ne concerne pas seulement les liens de la dyade ou de la triade : la SIPFP soutient plutôt l’approche relative à un espace psychique qui est écouté sur les bases de la psychanalyse groupale et familiale périnatale.

Si nous reprenons l’histoire des prises en charge psychiques en périnatalité, nous y observons une évolution des pratiques et des modèles théoriques qui en découlent.

À un premier niveau, les praticiens de la périnatalité se sont d’abord penchés sur le sujet singulier, notamment la mère, sur ses souffrances, ses symptômes (ou ses satisfactions comme le comblement narcissique d’être mère). Des précurseurs[1], se sont préoccupés des « dépressions post natales » ou de « la folie maternelle » car dans ce premier espace psychique, on s’intéressait principalement aux troubles puerpéraux maternels, surtout après la naissance du bébé.

Dans les années 1980-1990, cette approche pouvait conduire à l’hospitalisation individuelle de la mère lors de décompensation puerpérale ou de lourde dépression, mais elle était séparée de son bébé (sauf chez quelques précurseurs, comme Racamier).

Si le père décompensait, il se retrouvait de son côté en service de psychiatrie adulte où l’on ne faisait pas forcément de lien avec son statut de jeune père. Les troubles puerpéraux paternels étaient peu explorés, même si quelques recherches commençaient à exister[2]. Le couple traversait la crise périnatale sans être écouté lors de troubles conjugaux et le risque était l’éclatement de la famille qui ne pouvait naître. Du coté du bébé, les symptômes étaient détectés plus tard chez l’enfant et sa prise en charge tardive, souvent après 3 ans, se déroulait en individuel sur de nombreuses années, avant que ne lui succède le suivi d’un benjamin. Mais progressivement on a reconnu des compétences au nouveau-né[3], ce qui va permettre la recherche des enjeux que représente la toute petite enfance dans la construction d’un individu.

À un deuxième niveau, ce sont les liens précoces qui ont attiré l’attention des professionnels de la périnatalité[4]. Ils ont enrichit les soins psychiques périnataux et mis en place des thérapies conjointes mère-bébé, encore opérantes aujourd’hui pour la prévention. Dans ces modèles théoriques la prise en charge accompagne l’espace psychique intermédiaire qui lie les sujets entre eux.

Le praticien écoute la subjectivité des liens établis à partir d’intérêts mutuels, d’accords et d’alliances conscientes et inconscientes permettant accordage, nouage, mais aussi écart et conflit. Ces dispositifs, qui peuvent se référer aux travaux de Winnicott, de Bion ou à la théorie de l’attachement ou encore à la psychanalyse subjective, prennent en compte essentiellement en postnatal, les interactions pathogènes de la dyade, voire de la triade. L’essentiel à soigner est plutôt le bébé souffrant dans ses liens et la dyade souffrante peut être hospitalisée dans des unités mère-bébé (Seize UHMB ont été créées en France depuis les années 90).

Dans cet accompagnement, le bébé est envisagé au regard des relations avec ses deux parents et la paternité est progressivement prise en compte dans cette approche. Mais le père est souvent considéré dans sa place ressource et de tiers autour de la naissance. Il est sollicité pour participer aux soins de l’enfant, dans la mesure du possible. S’il est incompétent, fragilisé, déprimé ou non impliqué, il est alors écarté des entretiens familiaux, isolé, voire hospitalisé de son côté ou oublié dans le lien mère/enfant.

Les praticiens du psychisme proposent à ce niveau de véritables thérapies conjointes parents-bébé, mais ces consultations familiales ou entretiens familiaux thérapeutiques, ne sont pas réellement des thérapies familiales psychanalytiques ou des psychanalyses du groupe famille. Le sujet-famille n’est pas forcément traité en son entier avec l’origine des souffrances anciennes, même si les alliances ou les pactes commencent à être pris en compte.

Cette approche de la subjectivité des liens peu également être à l’écoute des aspects générationnels qui donnent du sens à la construction du sujet et de ses attaches, mais pas de l’organisations pathologique groupale. Elle ne s’appuie pas véritablement sur l’écoute familiale psychanalytique, avec la groupalité intergénérationnelle qui transforme l’héritage psychique pour organiser la nouvelle famille.

À un troisième niveau, depuis les années 1990 puis surtout 2000, 2010, de nouvelles pratiques se mettent en place en périnatalité. Cette nouvelle approche concerne, non pas seulement les liens qui unissent les sujets, mais aussi l’unité qu’ils constituent. Ici, le groupe familial est écouté psychanalytiquement dans ses trois espaces psychiques distincts, mais aussi interdépendants et reliés entre eux : celui du sujet singulier, celui des liens intersubjectifs, mais aussi celui de l’ensemble familial qui les tient groupalement dans la succession des générations. Le soin s’adresse à l’entité groupale familiale et générationnelle en accompagnant la crise périnatale nécessaire avec ses phénomènes groupaux générationnels organisateurs et défensifs.

Les théorisations de cette approche psychanalytique groupale de la famille en périnatalité vont chercher leurs origines dans les travaux de Freud sur le groupe et la transmission, dans ceux de Winnicott, Bion, Foulkes, Ferenczi, Balint, Abraham et Torok, Faimberg ou chez des psychanalystes du groupe[5], mais surtout, chez des psychanalystes de la famille, en général membres de sociétés psychanalytiques familiales[6], qui théorisent sur la psychanalyse familiale dès les années 1980.

Cette approche psychanalytique familiale commence à affirmer son insertion dans des recherches et des pratiques spécifiques en périnatalité avec des cliniciens psychanalystes, tout particulièrement spécialistes en psychanalyse familiale périnatale et également, souvent membres de sociétés psychanalytiques familiales[7], avec, par exemple en France, Carel, Mellier, Darchis, Benghozi, Maffre, Lemaitre, Rosenblum, Barraco.

Le dispositif de la thérapie familiale psychanalytique périnatale (TFPP) accompagne le nécessaire réaménagement de l’héritage familial et démarre en amont de la naissance d’un bébé. Cette cure est à l’écoute des souffrances générationnelle du groupe famille en son entier. Car si l’« on est tissu avant d’être issu », comme le propose Ruffiot (1981), cette pratique travaille effectivement sur le terreau familial d’origine qui organise la nouvelle famille, dès le prénatal, afin que chacun puisse progressivement se réaliser comme groupe individué et sujet relativement autonome. L’approche psychanalytique groupale et familiale en périnatalité donne du sens aux origines des troubles puerpéraux dans la famille. La théorisation permet de comprendre ce qui (et ce que) provoque dans le couple et la famille,  les troubles de la crise au temps de la grossesse lorsque la famille s’organise défensivement contre le retour de souffrances anciennes ou de traumatismes non élaborés. Ce terreau pathologique est à l’origine par exemple du déni de grossesse (symptôme familial) ou de la psychose puerpérale (décompensation en écho avec un matériel générationnel), de la perversion dans les liens ou de la dépression postnatale.

Cette approche est un outil accompagnant l’ouverture d’un berceau psychique familial favorable à l’organisation psychique de la famille dans la succession des générations et, en conséquence, favorable au développement de la singularité de ses membres, notamment de l’enfant. Reste que cette nouvelle approche, qui opère une grande prévention, est encore peu utilisée sur le terrain.

Elisabeth Darchis, Présidente de la SIPFP

Remarque du comité de rédaction du N°1 : Tour historique qui donne des repères sur l’évolution des prises en charge et à la fois argumentaire pour la création de la SIPFP : Texte exposé à Besançon lors de la réunion d’ouverture de la SIPFP le 22/1/2017

[1] Comme Jean Etienne Esquirol : Des passions considérées comme causes, symptômes et moyens curatifs de la maladie mentale, Thèse de médecine de Paris n° 574, 1805, ou Marcé Louis Victor : Traité de la folie des femmes enceintes et nouvelles accouchées… », 1858, L’Harmattan.

[2] Cf. Atelier de recherche -années 1990- à la MARCE : « Processus de paternité et pathologies puerpérales » avec Moreau, Sirol, Feunteun, Glangeaud, Darchis.

[3] Cf. Lebovici, 1983, Stoleru et Morales, 1989 Cramer et Palacio, 1993, etc.

[4] Par exemple, Doumic, Bick, Debray, Daws, David, Lebovici, Soulé, Cramer, Stern, Houzel, puis Golse, Guedeney, Missonnier, et bien d’autres comme Amselek, Bayle, Barraco, Bayle, Ben Soussan, Braconnier, Bydlowski, Cahen, Candilis, Cramer, Cupa, Dugnat, Dayan, Delaisi De Parseval, Faure-Fragier, Fivaz, Flies-Treves, Glangeaud, Godard, Lamour, Mazet, Moreau, Morisseau, Palacio, Sirol, Soubieux, Stoleru…

[5] Pontalis, Anzieu, Kaës, Rouchy, etc.

[6] Ruffiot, Decherf, Caillot, Granjon, Eiguer, Tisseron, Aubertel, Fustier, Joubert, Ciccone, Pigott, Robert, Lemaire…

[7] SFTFP (Société Française de Thérapie Familiale psychanalytique), CPGF (Collège de Psychanalyse Groupale et Familiale), PSYFA (Psy et famille), AIPCF (Association internationale pour le couple et la famille), etc.

Extrait de la Lettre N°1 

Les anamorphoses en périnatalité Par Pierre Benghozi 

et Publié dans Cent mots pour les bébés d’aujourd’hui, sous la dir. de P Ben Soussan, 2009, ERES

« Je décris le travail psychique de périnatalité comme une anamorphose de contenants psychiques engageant les niveaux individuels et le niveau groupal familial. Je définis ainsi un champ clinique spécifique: la périnatalité dans une approche transversale trans-contenante. C’est dans cette dynamique de co-construction de contenants psychiques, que je distingue la      « crise » périnatale, la périnatalité « en crise » et la périnatalité « catastrophe ».

Comment penser les enjeux de la périnatalité comme une expression de la transmission psychique généalogique ?

L’événement anamorphose

La périnatalité, entité de l’entre-deux, est caractéristique d’un processus de transformation que je définis sous le terme d’anamorphose. (Benghozi, 1999)

En analogie à la description des tableaux anamorphiques que fait le critique d’art Baltrusaïtis, dans son livre sur les anamorphoses, l’image apparaît déformée selon une distorsion de l’objet, en projection sur un miroir courbe.

Définition : L’anamorphose est un processus phasique dans le cycle de vie individuel et familial

  • qui engage en même temps le niveau singulier et le niveau groupal généalogique,
  • et qui met en jeu à la fois des remaniements au niveau somatique, au niveau psychique et au niveau du lien social.
  • Il est un évènement,  à la fois continuité par rapport à un processus de croissance et il correspond à une bifurcation radicale sur la courbe de développement.

Le paradigme des anamorphoses et la périnatalité

La périnatalité: un événement généalogique.

L’événement périnatalité se caractérise par un processus inscrit dans le cycle de vie individuel, conjugal, groupal familial mais aussi généalogique.

Grossesse, naissance, adolescence, ménopause, … sont des évènements généalogiques sources d’anamorphoses. La périnatalité, la périadolescence, la périménopause, la périsenescence, … sont, dans le cycle de vie individuel et groupal généalogique, des configurations d’anamorphose. La natalité fait événement.

La périnatalité est à l’événement natalité, ce que la périadolescence est à l’événement adolescence, et la périménopause à la ménopause.

La natalité ne se limite pas à la période de l’accouchement et à la naissance de l’enfant. Elle se définit par la complexité des enjeux mobilisés de la pré-conception de l’enfant, aux interactions précoces engagées à propos de la naissance d’un enfant. Elle concerne donc en amont, la pré-natalité ou l’anté-natal, la naissance et en aval, la post-natalité.

Je propose d’envisager cette réorganisation psychique comme l’occasion d’une mise en tension du contenant d’appartenance groupal familial et généalogique. Ainsi avec la grossesse, c’est l’ensemble des Liens du groupe familial qui est concerné. La famille est enceinte. La lecture de la clinique de la périnatalité est présentée ici dans une approche psychanalytique des liens et des  contenants généalogiques psychiques.

Mue de contenant et de l’image inconsciente du corps

L’anamorphose périnatale est une mue de contenants. Le travail d’anamorphose est celui d’une muance. Fondamentalement cette transformation anamorphique correspond à une transformation de contenant. En analogie au « Moi-peau » de Didier Anzieu (1985), c’est un changement de peau, et donc des enveloppes psychiques individuelle de la mère, du Moi couple et du corps psychique groupal et généalogique. J’ai décrit cet entre-deux à propos de la péri-adolescence, comme une singularité particulière : « l’identité chrysalide. » (Benghozi, 1999)

Cela se traduit au niveau individuel de l’image inconsciente du corps par ce que Françoise Dolto a appelé « le complexe du homard ». La mue de contenant psychique a été bien décrite avec la métaphore du homard. Dans son processus de croissance, le homard perd sa carapace avant de s’en reconstruire une nouvelle.  C’est une nouvelle peau psychique, un nouveau « moi peau ».  Dans ce passage d’entre-deux contenants, il y a une vulnérabilité psychique.

Comment s’articulent le niveau individuel et le niveau groupal familial ? Comment se réaménagent l’image inconsciente du corps individuel et l’image inconsciente du corps groupal familial ? Comment se co-construisent le contenant individuel et le contenant groupal familial de l’appareil psychique périnatal ?

Nous pouvons modéliser un emboîtement en poupée russe de ces niveaux de contenance de telle manière qu’il y ait un étayage réciproque entre le contenant individuel et le contenant groupal familial.

J’ai décrit l’existence d’une iso et d’une homomorphie, c’est-à-dire d’une analogie de forme entre les limites de l’image inconsciente du corps, de l’appareil psychique et celles des contenants psychiques. Je prends la métaphore d’un kaléidoscope. Tout se passe comme s’il y avait une construction dynamique de nouvelles images. Comme dans un kaléidoscope, il se crée une figurabilité nouvelle à partir du mouvement  kinésique de chaque cylindre jusqu’à la constitution d’une image suffisamment stable. Selon cette métaphore, chaque cylindre représente un contenant psychique et l’image du corps.

Cette métaphore du kaléidoscope vise à montrer que cette co-construction d’une réorganisation de l’image du corps individuel et de l’image du corps généalogique familial est un processus dynamique qui engage en double enveloppe le niveau singulier et le niveau groupal familial et généalogique.

Maillage du contenant groupal familial 

J’utilise la notion de contenance dans l’orientation psychanalytique de W. Bion qui nous propose un modèle d’appareil psychique dyadique entre la mère et l’enfant. Les éléments Bêta, (qui se situent du côté des éprouvés sensori-affectifs du bébé), sont transformés en éléments alpha, grâce à la capacité de rêverie maternelle. Cela caractérise la fonction contenante dans l’émergence des pensées de l’enfant.

En analogie, c’est la fonction contenante groupale familiale et généalogique qui permet d’accueillir les processus de transformation psychique en jeu à l’adolescence, à la naissance.

Qu’est-ce qu’un contenant groupal familial ? Je propose de le penser comme un maillage construit par du lien psychique, c’est à dire dans ma perspective, uniquement par l’enchevêtrement entre du lien psychique de filiation et du lien d’affiliation.

La défaillance de la contenance-maille est ici l’expression des accros, des ruptures, des avatars du lien en particulier à propos du lien de filiation. Or le lien est le support et le vecteur de la transmission psychique. Aux ruptures et avatars de lien correspondent des impasses dans la transmission psychique.

Au niveau généalogique, on distingue la transmission intergénérationnelle et la transmission transgénérationnelle. Dans la transmission intergénérationnelle, le patrimoine psychique familial est reçu par une génération, mémorisé, historicisé, transformé, élaboré et transmis à la nouvelle génération. Dans la transmission transgénérationnelle, le matériel psychique familial est « télescopé », selon l’expression de H. Faimberg (1988), transmis sans avoir été « métabolisé », selon l’expression de Piera Aulagnier. Ces trous dans le maillage des liens généalogiques caractérisent ce que j’appelle des contenants troués.

La périnatalité comme tous les événements anamorphiques va mobiliser les compétences des liens et du maillage. Ainsi des vulnérabilités psychiques par exemple en relation avec des non dits, des secrets inavouables, des empreintes en creux de la transmission transgénérationnelle se transmettent en télescopage (Faimberg, 2003) à travers les générations sans être transformés, métabolisés, symbolisés.

La naissance révèle la transmission généalogique du « négatif », et en particulier ce que j’ai décrit comme l’héritage « porte la honte» (Benghozi P. 1994) inconsciente du groupe familial.

Crise périnatale, Périnatalité en crise, ou Périnatalité-catastrophe ?

L’événement natalité mobilise la capacité de la fonction contenante groupale familiale à contenir le processus de croissance. La vulnérabilité des liens est l’expression des avatars de la transmission généalogique inter et transgénérationnelle qui s’actualisent ou se réactualisent.

Je définis la crise anamorphique comme une mise en tension du maillage des liens de filiation et d’affiliation, menaçant jusqu’à un seuil critique l’intégrité du maillage contenant groupal généalogique.

Soit la maille tient, soit elle ne tient pas et c’est la rupture. Soit la rupture est stoppée, sinon c’est la déchirure du maillage.

Dans cette perspective métaphorique, je différentie 3 modalités cliniques évolutives : la crise périnatale, la périnatalité en crise, ou la périnatalité-catastrophe.

 La « crise périnatale » est ce processus de croissance inscrit naturellement dans le cycle de vie individuel et généalogique, lorsque les compétences du contenant groupal familial peuvent contenir ce travail de transformation de la contenance individuelle.

Je ne fais que citer ici, l’importance des contenants communautaires culturels et sociaux, des configurations mythiques et du travail de ritualisation dans l’étayage réciproque des processus de passage et de transformation adolescente.

La périnatalité est « en crise » lorsque la fonction contenante familiale est défaillante à assurer l’étayage du changement de contenance individuelle.

Le contenant généalogique familial est troué, il y a une rupture de maille, mais des mécanismes défensifs maintiennent suffisamment l’intégrité du contenant.

« La périnatalité-catastrophe » : Le contenant généalogique familial est déchiré, les mécanismes défensifs ne maintiennent pas suffisamment l’intégrité du contenant. Le travail de périnatalité est décontenancé.

La clinique de l’anamorphose est celle des co-constructions trans-contenantes.

Il y a un effet d’étayage et de structuration réciproque en miroir et en kaléidoscope, entre le contenant individuel, le contenant groupal familial et le contenant social.

Références Bibliographiques

Abraham N., Torok M., 1978, L’écorce et le noyau, Flammarion, Paris.

Anzieu D., 1985, Le Moi Peau, Paris, Dunod.

Benghozi P., 1994,  Porte la Honte et maillage des contenants généalogiques, in Revue de Psychothérapie Psychanalytique de Groupe, N°22, Eres.

Bion W.R., 1979, Eléments de psychanalyse, Traduction française, Paris, PUF.

Benghozi P., 1999, Adolescence et Sexualité, Liens et Maillage réseau, sous la dir, Paris L’Harmattan.

Benghozi P., 1999, L’Adolescence, Identité Chrysalide, sous la dir, Paris, L’Harmattan

Benghozi P., 2007, Le leurre comme symptôme des contenants généalogiques troués, dans la psychothérapie familiale à l’épreuve de l’adolescent, N°245 mars 2007, Le Journal des psychologues.

Dolto F., Dolto-Tolitch C., 1989, Paroles pour adolescents, le complexe du homard, Paris, Hatier.

Faimberg H., 2003, Le télescopage des générations, in Transmission de la vie psychique entre générations, sous la direction de KAES R., Paris, Dunod.

BENGHOZI Pierre, est Président de L’Institut Recherche en Psychanalyse du couple et de la famille, Pédopsychiatre, psychanalyste, Président de la section psychothérapie psychanalytique du couple et de la famille  et membre du bureau de la fédération européenne EFPP, Vice-président de la Société Internationale de Psychanalyse Familiale Périnatale, SIPFP

Remarque du comité de rédaction : Texte dense et riche avec des propositions conceptuelles conséquentes qui pourraient faire objets d’échanges : anamorphose, chrysalide, périnatalité à l’adolescence, maillage, kaléidoscope, transcontenance…

 

Extrait de la LETTRE N°1

Pourquoi pensons-nous la périnatalité comme une spécificité nécessaire dans la Therapie psychanalytique de famille et de couple ?Par Eduardo Grinspon, Beatriz Burstein, Susana Casaurang ( Buenos Aires)« Énoncer la périnatalité implique la natalité de quelqu’un pour quelqu’un, (et pour un groupe) dans une dépendance univoque engendrée à partir des nécessités imposées par l’immaturité dans laquelle se trouve cet être au début de la vie humaine. C’est ainsi que s’inaugure le chemin depuis le somatique vers le psychique, une construction qui « dans le meilleur des cas » entretiendra un contrat narcissique efficace et trophique : il convient de rappeler que R. Roussillon[1] énonce ce contrat à partir de la nécessité biologiquement déterminée chez le nouveau-né par sa détresse, avec sa pulsionalité « en attente » et à la recherche de son objet, et par la variabilité de celui-ci, un objet autre sujet représentant du milieu qui l’environne.

Pouvons-nous définir le temps de la grossesse comme le cheminement donné depuis la rencontre biologique nécessaire jusqu’à la constitution du lien possible pour la naissance d’un enfant ? Celui-ci étant « fils de et pour quelqu’un » portera les interrogations qui lui permettront d’être désigné à partir d’une origine de sa généalogie et de son histoire. Nous nous référons autant à la relation possible mère maternant « son bébé » (en référence à l’utérus maternant) qu’à une possible alliance chez le couple parental.

Le statut de la femme, mère «de et pour » un fils dans la dimension filiative, fait référence à une alliance qui maintient un contrat avec l’échange et qui, dans sa fonction messagère, laisse chez l’enfant une marque symbolique.

Cette mère sera messagère pour l’enfant parce qu’elle est d’emblée femme d’un géniteur, peut-être un père si cette fonction se constitue affectivement. A partir des écueils cliniques que présentent pour nous la clinique actuelle, nous distinguons les géniteurs -et leur inévitable participation dans le fait biologique de la conception- de leur mode de présence dans une grossesse produisant un fils et accédant à être père et mère de cet enfant, dans la groupalité singulière que nous énonçons comme « famille ». Quand nous énonçons une configuration groupale autant que familiale, nous nous référons à un groupe déterminé par l’asymétrie et la différence générationnelle, ainsi qu’à la l’orientation de ses dépendances, horizontale chez le couple et verticale vers les enfants.

Bref, dans les fonctions et interdépendances inévitables d’un fils né à l’égard de son milieu, nous différencions le biologique nécessaire donné par ses géniteurs, des marques générées du fait qu’ils sont parents dans leurs fonctions différentielles pour un enfant.

Dans notre clinique actuelle, face à des patients qui entretiennent des solutions narcissiques de survivance psychique, un impératif qui habite notre action clinique énonce que tout patient qui a un nombril et parle -quoi qu’il ait reçu- a laissé sa marque identitaire. Dans notre proposition, nous nous référons à l’accouchement non seulement comme acte de naissance, mais aussi à la structuration psychique ou psycho-sociale d’une famille.

Options de l’accompagnement thérapeutique

Notre expérience s’est déroulée dans une pratique privée: les options décrites avaient été proposées par nous-mêmes, autant pour les couples chez qui la grossesse s’est produite dans le courant du traitement psychanalytique que pour ceux qui ont consulté autour de ce thème. Nous réalisons l’approche technique en utilisant le psychodrame psychanalytique, (couple thérapeutique femme-homme) au moyen de scènes que nous développerons dans la prochaine communication.

Options empruntées

  1. a) Accompagner le couple depuis le moment où ils imaginent et cherchent à avoir un enfant jusqu’à 45 jours après l’accouchement,
  2. b) Commencer l’accompagnement depuis le moment de la conception jusqu’à 45 jours après l’accouchement
  3. c) Accompagner le couple dans les deux derniers trimestres de la grossesse, jusqu’à 45 jours postérieurs à l’accouchement
  4. d) Accompagner le couple lors du dernier trimestre de la grossesse, jusqu’à 45 jours après l’accouchement
  5. e) Autres options à définir.

En tenant compte du cadre à partir duquel nous partons, nous travaillons avec l’objectif que le couple puisse imaginer et élaborer ce que va être l’expérience de l’accouchement pensé comme une fête d’au-revoir et une re-rencontre.

Notre proposition est basée sur des scènes psychodramatiques, grâce auxquelles nous tentons de donner de la figurabilité et de façonner quelques matrices fantasmatiques que nous avons eu l’occasion d’explorer dans la clinique avec les couples en étape de grossesse. Ce travail psychodramatique qui comporte autant une valeur de diagnostic que d’élaboration de conflits nous a permis d’anticiper des diagnostics de situations lesquelles, dans quelques évolutions, ont pu être significatives au moment de l’accouchement (et au-delà de celui-ci). Nous avons également pu réaliser des interventions qui ont permis une resignification et une élaboration de conflits entre la mère et/ou son conjoint. Nous supposons qu’il a ainsi été possible d’éviter des problématiques qui auraient compliqué le moment de l’accouchement.

Les scènes à dramatiser ont une spécificité, une logique et un rythme (tempo) adéquat à chaque problématique. Elles constituent des outils privilégiés pour déployer la fantasmatique singulière et celle du couple, mettre en scène l’historique dans son insistance et développer à partir du corps le non encore dit, permettant ainsi de donner figurabilité à ce traumatique qui influe sur la « nouveauté » survenant aujourd’hui : un enfant d’un couple parental constitué par différentes subjectivités singulières.

Nous envisageons le processus de la grossesse en trois trimestres qualitativement différents. Chaque trimestre comporte des interrogations différentes et les scènes à dramatiser, proposées  par les thérapeutes, ont été pensées en résonance avec ceux-ci.

Premier trimestre,

C’est le moment de prise de conscience de la fertilité et de la mobilité narcissique que celle-ci déclenche. Il s’agit autant de son gain narcissique que du fait qu’il impose au couple de s’imaginer dans sa différence et dans leur fonction à venir d’être mère et père d’un enfant : Images de l’histoire personnelle ? Modèles à partir de la souffrance personnelle ? Etc.

Deuxième trimestre

Progressivement advient l’apparition et l’inclusion de la nouveauté, la présence intracorporelle chez la mère. Se re-présente un autre ? un tiers ?

A partir de son mouvement intracorporel, enregistré en premier lieu par la mère, transmis et partagé ensuite avec le père, se précise la façon dont chaque couple reçoit l’inclusion inévitable de cet autre, « notre bébé ». La perception de cette présence entraîne habituellement des vicissitudes spécifiques dans le lien de chacun des conjoints.

Notre clinique a mis en évidence la particularité de certaines alliances de couple, du fait de leur labilité ou de leur faiblesse face au déséquilibre narcissique imposé par la nouvelle situation psychobiologique, de la rétraction habituelle et nécessaire chez la mère articulée avec le sentiment d’exclusion qui apparaît le plus souvent chez le père. Ces alliances décomposent ou désarticulent le contrat en vigueur chez le couple, il arrive que celui-ci se réarticule parfois en ligne progrédiente, trophique et d’autres cas où il se transforme en un pacte narcissique pathogène.

Troisième trimestre

Petit à petit, la prise de conscience du moment de l’accouchement se concrétise. C’est un vécu singulier, propre à chaque couple qui peut être ressenti –surtout de la part de la mère comme une déchirure et/ou perte, ou au contraire, comme une possibilité de créer un « au revoir » et une « re-rencontre » postérieure. Face à ces possibilités, la présence subjective du père est importante puisque dans cet acte, il y a accès à une dimension du nouveau et à la rencontre possible.

Face aux peurs devant les différentes possibilités d’accouchement et à partir du narcissisme mis en jeu, nous décidons d’abandonner l’idée d’accouchement réussi par voie vaginale, par forceps ou par césarienne et nous l’énonçons comme un acte d’au revoir et de re-rencontre, de la meilleure façon possible.

Un espace contenant pour la transformation :

En partant donc de cette perspective, nous avons énoncé, depuis l’espace du couple, la présence du trait unaire que nous accompagnons depuis l’unifiant nourri par le « Un intracorporel » -et ses multiples dérivations pathogènes- jusqu’au « un de plus », produit par l’acte déclencheur en vigueur dans l’accouchement. Le « un de plus » non seulement par rapport au bébé, mais aussi en relation à l’autre de la mère qu’est le témoignage intrasubjectif en elle, du père dans sa fonction génitrice et « dans le meilleur des cas » d’amant.

Dans cette rencontre mise en scène dans les dramatisations, nous proposons de maintenir un cheminement le long d’une même peau, de façon métaphorique, en entretenant à partir de notre imaginaire cette possibilité de continuité narcissique (nous en développerons les détails spécifiques lors des définitions des dramatisations).

A partir de notre présence subjective, le maintien de la possibilité de continuité narcissique -dans cette configuration complexe de liens « en transformation »- joue comme un continent enveloppant (un type de travail du négatif, l’équivalent de l’utérus maternant?) afin que le couple puisse co-participer, en commençant à configurer dans ce « Moi peau familial » dynamique et en permanente réadéquation, le « nouveau » (ou la nouveauté), un autre différent de l’imaginaire pour chaque membre du couple et encore méconnu, avec sa résonance avec le connu-méconnu de chacun de nous dans chaque lien.

Cette approche nous a permis d’explorer les singularités dans les diverses manières d’être en gestation, de « mettre enceinte » et d’accéder au moment de l’accouchement, à la rencontre avec le bébé et au changement au niveau du lien qui se produit inévitablement.

De nouvelles situations en périnatalité :

A l’heure actuelle, nous tentons d’adapter ces expériences aux nouvelles situations qui se présentent suite aux possibilités offertes par les nouvelles technologies : par exemple, en ayant une approche de l’imaginaire chez la femme qui décide de déployer sa maternité par don de sperme, en absence d’un couple stable ; ou d’accéder à la paternité dans le cas d’un couple homosexuel qui « loue » un ventre ; ou encore d’une fécondation in vitro, etc. (nous avons ainsi dramatisé une grossesse in vitro où il était tenté de féconder des ovules)

Une option plus simple a été d’envisager des situations d’adoption, en travaillant sur l’appropriation subjective de l’étranger, de cette zone de non-consanguinité, le propre et étranger de chaque côté de la rencontre et de l’alliance possible. L’au-revoir et rencontre dans ces situations commencent avec l’au-revoir avec sa propre possibilité de concevoir, tout en entretenant l’illusion et le désir d’un enfant. Il est ainsi enclenché un processus de connexion et d’appropriation à partir du deuil mutuel puisqu’il y a aussi un enfant « en attente de ».

Dans toutes ces situations, nous tenons compte du fait que les interrogations obturées par la communauté  de déni des parents feront  retour chez l’enfant: dans le meilleur des cas par des interrogations verbalisées, ou en cas contraire par des passages à l’acte ou par le corps.

Scènes de grossesse et d’accouchement :

Parmi les différentes scènes que nous travaillons dans notre expérience, nous avons décidé de partager deux d’entre elles, (appartenant à l’option « d »)   représentatives autant de notre cadre clinique conceptuel que des possibilités techniques que procure l’approche par le psychodrame psychanalytique.

Modalité du cadre:

Les séances  avec le couple parental, sont d’une durée maximale de 3 heures avec une interruption au bout d’une heure et demie. La coordination est assurée par un couple de thérapeutes, de préférence un homme et une femme, ayant déjà vécu une expérience d’accouchement.

Cette expérience thérapeutique est réalisée dans le cadre de la ligne du psychodrame psychanalytique : c’est-à-dire que les analystes donnent les consignes pour que les scènes dramatisées se déploient.

Toute scène comporte deux temps : celui de la dramatisation de la scène face à un autre le moment du soliloque durant lequel chaque « personnage », de façon excentrée, peut mettre en paroles le vécu et récupérer ses registres. Ce moment prend-il la valeur d’un équivalent du retour possible ?

Nous nous proposons de créer une atmosphère chaleureuse et respectueuse des rythmes du couple parental, en adaptant nos propres scènes présupposées, et en évitant ainsi d’encourager une suradaptation à un rythme qui, d’une autre façon, leur paraîtrait invasif et  étrange.

La présence de la grossesse est pour chaque couple un produit subjectif qui le détermine, dans une fonction essentielle de notre proposition thérapeutique.

Chez ces couples, la grossesse, bien qu’étant conjoncturelle, joue sur un mode structurel comme un secteur vital incessant qui « bat (pousse)» dans une temporalité et selon un tempo en suivant une direction singulière et génératrice de différentes situations. A partir de ce moment, nous dénommerons les membres du couple comme « maman » et « papa », puisque nous les avons pensés dans ces scènes en fonction de leur condition de couple parental.

 

Première scène:

Dans la consigne nous proposons la direction suivante : que la maman dramatise l’utérus et le papa le bébé. Nous invitons la maman à s’allonger sur le sol sur un de ses côtés et le papa va jouer le rôle du bébé, en s’allongeant et décidant de façon spontanée sa position. 

Nous distinguons le corps utérin  -représenté par le corps de la maman- du col de l’utérus « dramatisé » par ses bras allongés et avec les doigts de ses mains entrelacés. L’utérus en fonction commence comme un corps maternant articulé à un col fermé.

Quand le corps en fonction commence avec les contractions préparatoires au moment de l’accouchement, l’effet synergique des contractions influe sur le col en produisant sa graduelle et progressive dilatation. La dilatation efficace du col crée une harmonie « col et corps » dans un utérus en mode accouchement.

Nous considérons que l’accouchement commence en principe à partir de signes-messages émis par le bébé, dans le cadre de cette relation intime « utérus maternant-bébé » et que c’est la mère qui, à un moment donné, se rend compte que quelque chose de différent vient de se produire.

Comme nous pensons l’accouchement vécu de façon subjective comme un acte de « au revoir et re-rencontre », nous proposons dans la consigne suivante que se déploie un dialogue bébé-maman autour de cette séparation.

Parmi les nombreuses options que cette scène génère, il y a celle de couples –(le couple parental qui dramatise la dyade maman / bébé)– qui ne réussissent pas à conclure ce moment ou encore, des cas où même si le dialogue est enrichissant, le travail d’accouchement ne commence pas.

Dans d’autres situations, on peut écouter des phrases de ce genre : « Je t’ai fait quelque chose pour que tu t’en ailles ? », ou bien : « allez va-t-en maintenant ! ».

Nous sommes attentifs au ton de la voix et à la complémentarité inter-imaginaire dans cette scène ainsi qu’à sa résonnance dans nos registres subjectifs transférentiels.

Une fois que se produit l’au-revoir, nous prêtons attention à la manière dont vont interagir corporellement la mère et le père : à partir de la dynamique entretenue, se trouve représentée devant nous l’articulation corps-col dans son activité synergique.  Il est souhaitable que le corps et sa contraction articulée avec le col  et sa dilatation, puissent aider le bébé à sortir.

Dans le meilleur des cas elle n’est ni rétentrice, ni expulsive, et comporte la dilatation nécessaire d’un col suffisamment accompagnant dans ce trajet, afin qu’il puisse caresser et offrir le bébé au moment des re-rencontres avec sa maman.

Dès le départ, nous avons préparé un oreiller suffisamment vaste pour construire la paroi complémentaire du corps utérin soutenu par l’un de nous exerçant une pression. Dans cette pression, il est prévu que le nourrisson à partir de son inconfort produise un appel, dû à son besoin qu’un changement se produise. Notre façon de soutenir et de presser cet oreiller est une forme d’intervention façonnée à partir de notre position implicative et adaptée à l’évolution de la situation.

Dans les scènes déployées, nous pouvons observer différents registres : des corps utérins complètement dissociés du col, des corps qui travaillent avec un corps déconnecté et flasques (est-ce une représentation d’absence psychique ?), ou encore avec des doigts trop agrippés qui représentent des cols non dilatables, sans l’adaptabilité graduelle et nécessaire pour que se produire l’accouchement.
A partir de notre expérience, dans le soliloque la présence du fond du corps de l’utérus prend une signification très utile dans l’au-revoir.

Ce qui arrive durant le passage par le col représenté par les bras et les mains est important : cela nous permet d’imaginer soit une continuité dans la « peau commune » maintenue par la présence d’une tendresse accompagnante ; soit au contraire s’il y a une séparation des bras : une action de nature automatique et expulsive.[2]

Quand le corps se maintient actif et que le col reste flasque et sans réaction à cette activité, c’est pour nous la représentation d’un clivage, l’expression d’une présence en négatif  qui fait écho en nous.

Comment intervenons-nous pour donner un support imaginaire et une sortie à cette dissociation.

Une option est d’interrompre la scène « in situ » et d’éviter d’être confrontés avec l’impossibilité, la détresse et l’impuissance qu’elle renvoie.

Une autre option est de la continuer et ensuite de déplacer une scène ponctuelle entre le bébé et le col utérin, ou encore d’en segmenter les différents soliloques dirigés par nous. Nous privilégions le moment lors duquel, à partir de nos registres, nous pouvons proposer des « soliloques » des divers secteurs de l’utérus comme de ceux du bébé.

Nous pouvons aussi intervenir en proposant l’inversion des rôles : c’est-à-dire que le papa apporte son vécu au sujet du fonctionnement de ce corps utérin qui l’a contenu et transmet à la mère son ressenti : puis dans une autre scène il peut exprimer comment il aurait aimé que se déroule cette expérience.

Ne perdons pas de vue que c’est le corps du papa en position de bébé -et à partir de sa position de témoin intrasubjectif[3]– qui enregistre le malaise, que ce soit à travers un vécu de capture ou d’expulsion.

Dans le cas où, dans son trajet vers la sortie, le bébé reste “bloqué”, nous intervenons in situ –interruption au moment même, équivalent de congélation de l’image- et nous nous adressons au papa-bébé avec cette consigne :

“A partir de votre inconfort, montrez à votre femme comment vous auriez aimé que se trouve son utérus dans cette séquence »

Dans cette inversion de rôles, la maman, à partir d’une position réceptive, peut écouter les messages de son conjoint ; le cadre favorise que la transmission n’ait pas un caractère de reproches, ni accusatoire, un mode de fonctionnement qui puisse avoir lieu dans la salle d’accouchement où, de façon tyrannique, on peut considérer que ces comportements doivent être « selon  la norme ».

Ces interventions peuvent aussi aider la maman à sentir que « l’autre », son partenaire, est capable de se mettre à sa place, dans une scène dont nous supposons qu’elle va se répéter au moment de l’accouchement avec un bébé sur le point de naître et un papa présent.

Dans notre proposition technique, nos interventions ainsi que la possibilité de rectifier et de subjectiver ces nuances, font partie de notre objectif thérapeutique.

Autre scène:  

Avec l’idée de départ que l’élément qui peut représenter le bébé naissant du couple, est la voix :

Dans cette scène, le bébé est représenté par le son de la voix émis tout d’abord par la mère et accompagnée par l’émission en écho à la voix de son partenaire.

Nous obtenons une polyphonie de voix qui se raccordent en formant une représentation d’un « produit » naissant depuis ce couple parental[4].

Tout en proposant les consignes, nous évoquons la peur de la douleur et la sensation habituelle que celle-ci ne va pas céder. Nous proposons de penser que la douleur dans l’accouchement n’est pas permanente mais que, dans un rythme donné, « elle commence puis cesse ».

Pour accéder au rythme adéquat, sans s’épuiser ni se dévitaliser, il est important de pouvoir différencier le moment de la contraction douloureuse et d’en profiter pour pousser, du moment où elle cesse, afin de pouvoir se reposer.

Nous proposons au couple de s’assoir sur le sol, face à face avec les mains entrelacées ; lorsque la maman serre les mains, c’est le signe d’une contraction et elle commence à émettre un son[1], tout en devant être accompagnée en écho par le papa, autant dans la pression des mains que dans l’émission de sa propre voix.

Lorsque la contraction s’arrête, tous deux doivent se reposer ; le papa, tout en maintenant les mains unies, passe de la pression à l’accompagnement, le plus souvent par une caresse des mains.

Cela se répète autant de fois qu’il est nécessaire, sur un ton chaque fois plus intense, jusqu’au point du chaos.

Quand il est possible de dépasser la peur du chaos -équivalent à la perturbation des sphincters présente aussi au moment de l’accouchement- il se produit un cri maximal « à deux », avec des nuances qui peuvent paraître déchirantes ou désespérées, trait qualitatif qui, lorsque nous l’enregistrons, acquiert ses différences dans la singularité de ce qui est en train d’être vécu.

D’une façon “technique”, avoir recours au cri implique-t-il que « le cri est celui de quelqu’un pour quelqu’un »? Quel sens cela a-t-il de crier s’il n’y a personne subjectivement présent, c’est-à-dire face à la présence de “personne”?

Cette différence entre gémissement dans la solitude et cri, donne la possibilité d’accompagner dans la différence, le vécu de solitude paralysante et expulsatrice face à l’absence d’un autre.

Dans le cas où la voix de l’un d’eux prédomine -signe d’un déphasage entre eux- nous interrompons la scène pour la reprendre ensuite, et dans certains cas d’une façon similaire aux interventions déjà exposées, nous accompagnons par notre propre voix, comme selon un modèle contenant.

La mère décide du moment auquel « le bébé est déjà né » et le couple, habituellement, maintient un enlacement selon différents degrés d’émotion. Il est aussi possible de dramatiser avec un oreiller la rencontre du « couple avec son bébé ».

 

Conclusion : Nous pensons que dans l’articulation “périnatalité- famille”, c’est l’effet de la présence d’un enfant qui peut, de façon structurelle, inaugurer la dimension qualitative de famille.  Il ne s’agit pas d’un fait donné d’emblée, mais qui se co-construit progressivement à l’intérieur de l’intersubjectivité, dans sa potentialité familiale. La différence entre décrire une grossesse en termes organiques et pouvoir la décrire dans notre intersubjectivité, nous a permis de faire appel aux dramatisations d’organe comme une étape intermédiaire – de transition ou de passage – appuyée in situ par les analystes en personne.
A partir de notre clinique, l’évolution issue des expériences décrites a permis l’émergence des nuances nécessaires au cheminement d’un couple « amant » vers sa position de couple parental, tout en traversant l’étape de couple maternant et finalement en recevant son enfant dans l’inévitable asymétrie de sa naissance comme enfant de quelqu’un –pour quelqu’un (et pour un groupe), hors de la tyrannie de la norme.

 

Les auteurs :

Dr Eduardo Grinspon, psychanalyste de famille et de  couple.   Coordinateur du « Forum d’articulation clinique -théorique » appartenant à « Laboratoire d’enseignement et de recherche en psychanalyse de famille et de couple », relié à l’UCES (Université des Sciences d’Entreprises et Sociales »)

Lic. Beatriz Burstein,  psicologa clínica, Asociacion Psicoanalitica Argentina. Práctica privada en  psicoanalisis  individual, pareja y familia,  Integrante del Foro de articulación clínico/teórica en Psicoanálisis de familia y pareja  perteneciente al Laboratorio de docencia e investigación en  Pareja y Familia UCES (Universidad de Ciencias Empresariales y Sociales)  Líneas de investigación actuales  referidas a problemáticas narcisistas en pareja y familia.

Lic. Susana Casaurang, psicóloga clínica. Psicodramatista, Practica privada en psicoanálisis individual, pareja y familia Integrante del Foro de articulación clínico/teórica en Psicoanálisis  de familia y pareja y del Laboratorio de docencia e investigación en  Pareja y Familia UCES (Universidad de Ciencias Empresariales y Sociales). Líneas de investigación actuales  referidas a problemáticas narcisistas en pareja y familia.

 

Le Comité de rédaction : Le texte d’Eduardo Grinspon et de ses collègues, témoigne d’une belle pratique psychodramatique dans le domaine de la périnatalité psychique familiale en Argentine. Peut être cette expérience groupale va nous aider, soit à se former à la technique du psychodrame analytique, soit à relancer les TFPP pour proposer des séances psychodramatiques lors des psychanalyses de la famille en périnatalité.  

[1] En général cela commence par un “Ooohhhh” progressif.

[1] R. Roussillon, 1999, Agonie clivage et symbolisation. Le traumatisme primaire et l’expérience agonistique. 2014 « L’errance identitaire » L’état de détresse transformé en état de manque  qui « ouvre » à la relation à l’autre et à l’inévitable dépendance qui l’accompagne.

[2] Notre expérience a mis en évidence que le fait que le bébé ait un appui pour sortir dépend de la manière selon lequel la mère place le corps utérin : est-ce un équivalent de la position de la mère dans l’action d’accoucher habituellement incorporée pour « pousser » ?

[3] E Grinspon www.EduardoGrinspon.com francais

[4] La présence de cette voix et ses nuances ont peut-être été notre déclencheur dans la polyphonie de voix apparues au moment de l’accouchement. Nous nous référons autant à la voix produite par la maman parturiente qu’à celle de la sage-femme, et dans notre scène à celle du bébé représenté par la voix issue du couple.